Depuis le début de la crise sanitaire, les débats autour de la relocalisation de l’activité connaissent une nouvelle jeunesse. Pour sa première publication chez Hémisphère gauche, Gabriel ARNAULT, l’un des fondateurs de la Gazette du Made in France, revient en détail sur l’un des enjeux clés de cette question : l’étiquetage des produits. 

Alors que les consommateurs sont de plus en plus sensibles aux informations sur les étiquettes, moyen concret de soutenir efficacement la production française, il est encore difficile, voire parfois impossible, de s’y retrouver. Tour d’horizon des raisons qui font de nos courses un véritable casse-tête. Pendant le confinement de printemps, de nombreux consommateurs ont pris conscience du degré d’éclatement des chaînes de valeur internationales et du caractère baroque de certains circuits de production. Pourtant, déjà depuis des années, se développent, partout en France, des projets implantés dans les territoires, en circuits courts1. Ceux-ci présentent à la fois un fort intérêt social, en créant de l’emploi, et écologique, en limitant les distances de transport des biens de consommation. Il n’en reste pas moins que, pour se saisir de leur pouvoir en tant que consommateur et pour assumer leurs responsabilités en tant que citoyens, les Français ont besoin de connaître l’indication d’origine des produits, ce qui est loin d’être évident en l’état actuel.

1/ L’absence d’obligation d’indication d’origine sur l’étiquette, un choix politique européen.

Quelques semaines après son installation à Matignon, en 1986, Jacques CHIRAC supprime l’obligation du marquage d’origine des produits textiles2. La France s’inscrit alors dans le cadre juridique européen, qui proscrit dès 1957 toutes les discriminations commerciales en raison de la nationalité3. Cette règle résulte logiquement de l’établissement du marché commun, qui repose sur la libre circulation des biens, des services, des capitaux et des personnes. En supprimant les droits de douanes, chaque pays s’est engagé à commercialiser les produits issus des pays voisins, lorsque le producteur prouve que la marchandise respecte les normes techniques et sanitaires du pays d’origine4.

Dès lors, comme le rappelait le gouvernement de Dominique de VILLEPIN au sénateur Louis SOUVET en 2005, « une législation nationale imposant un marquage d’origine sur les produits ou leurs emballages serait constitutive d’une restriction aux échanges, contraire au droit communautaire 5» . En fait, la réglementation n’est obligatoire que de façon exceptionnelle, lorsque son absence pourrait créer un risque de confusion préjudiciable à la sécurité des consommateurs. Ériger l’indication d’origine sur l’étiquette en règle générale est considéré comme une entrave aux importations, car elle pourrait dissuader les entreprises des États membres différents de conclure des accords de sous-traitance et inciter les consommateurs à acheter des produits nationaux. Privés volontairement d’étiquetages systématiques et obligatoires, ces derniers sont de moins en moins en capacité de faire des choix éclairés et citoyens, alors que se développe, en parallèle, la concurrence internationale des entreprises à bas-salaires. Dès 1993, le sénateur Jean ARTHUIS s’inquiétait de la multiplication des délocalisations, qui consistent à fabriquer là où c’est le moins cher et à vendre là où il y a du pouvoir d’achat6.

Ce risque d’entrave à la législation européenne a conduit des élus de différentes familles politiques à formuler des propositions en faveur d’une extension de cette obligation d’étiquetage. Le 19 novembre 1993, la campagne nationale des Chambres du Commerce et de l’Industrie (CCI) lançait le fameux slogan « Nos emplettes sont nos emplois » pour sensibiliser les Français à l’importance de la consommation locale. Dans le domaine alimentaire, les syndicats agricoles, comme la Confédération Paysanne ou la FNSEA7 , et les associations de consommateurs, comme UFC que Choisir, œuvrent depuis des années en faveur d’une meilleure traçabilité des produits.

La première proposition du député Yves JEGO dans son rapport remis à Nicolas SARKOZY en 2010 était de « conduire une action d’influence en faveur d’un texte ou de textes européens rendant obligatoire le marquage de l’origine nationale de tous les produits mis en vente sur le marché communautaire 8. »

En 2012, Arnaud MONTEBOURG posait fièrement à la une du Parisien week-end en marinière Armor Lux9. Quelques années plus tard, candidat aux primaires du Parti Socialiste, il déclarait au siège de la CAMIF10, à Niort, qu’organiser la traçabilité des produits est la nouvelle bataille européenne, une « cause nationale, gauche et droite confondues ». Là où l’Union « considère que c’est un obstacle à la concurrence, moi je crois que cela obscurcit les conditions de la concurrence », expliquait-t-il.

Enfin, en 2015, les députés Marie-Lou MARCEL et Dino CINIERI déposaient à l’Assemblée Nationale un rapport d’information consacré aux signes d’identification de la qualité et de l’origine11. Ils remarquaient que les confusions, plus ou moins entretenues, étaient à l’origine d’un sentiment d’abus et de tromperie, alors même que les producteurs respectent les cahiers des charges.

2/ Une réglementation spécifique, plus protectrice, pour les produits agricoles et alimentaires.

L’agriculture et l’alimentation occupent une place particulière dans le patrimoine culturel des français. Aussi, dès 1960, le gouvernement crée le dispositif des labels agricoles12, pour mettre particulièrement en valeur ce secteur économique. Et pourtant, le mal-être n’a jamais été aussi grand chez les agriculteurs, confrontés à une concurrence internationale qui tire les prix vers le bas13. Mais la mentalité des consommateurs évolue, et le soutien aux denrées fabriquées en France est possible aujourd’hui grâce à la réglementation existante.

2.1/ L’étiquetage obligatoire des produits, pour protéger la santé des consommateurs.

Depuis le début du siècle, le droit européen admet certaines exceptions au principe de non-étiquetage des produits pour protéger la santé des consommateurs. Tout commence après la crise de la vache folle, en 2000, quand l’indication du lieu de naissance, d’élevage et d’abattage du bœuf est rendue obligatoire14. Mais il faudra attendre 2002 pour que la viande hachée et les restaurants soient concernés15. Depuis 2015, les viandes de porc, de mouton, de chèvre et de volaille sont soumises à la même règle, sans l’obligation néanmoins de préciser le lieu de naissance16. De plus, la loi du 10 juin 2020 a enfin rendu obligatoire cette mention dans les restaurants17, si bien qu’aujourd’hui le consommateur a accès à une information de qualité, qui lui permet de consommer une viande locale, dont l’origine est certifiée par la DGCCRF 18.

Les règles sont également très satisfaisantes pour les fruits et légumes, qui doivent indiquer la provenance de façon lisible19, tandis que les produits de la mer et de l’aquaculture mentionnent la zone de pêche ou le pays d’élevage20. L’étiquetage du miel est aussi strictement encadré 21. Pour ce qui est des produits transformés, la France a innové en Europe en obligeant à indiquer l’origine des produits préparés avec plus de 8% de viande ou 50% de lait (lait liquide, beurre, crème, yaourts, fromages)22.

Mis en place en 2017, le dispositif a été reconduit deux fois23. Il est en vigueur jusqu’au 31 décembre 2021. En parallèle, le droit européen impose l’indication du pays primaire s’il diffère du pays d’origine indiqué sur l’étiquette24. Mais un arrêt récent rendu par la Cour de Justice de l’Union Européenne, dans une affaire où le Groupe LACTALIS contestait les dispositions d’étiquetage mises en place en 2017, sème le doute sur l’avenir de ces règles. En effet, si le cadre européen n’empêche pas « les Etats membres de l’UE de prendre des mesures fournissant davantage d’informations sur l’origine et la provenance des denrées alimentaires », elles doivent être dûment justifiées par un objectif de santé publique ou de prévention des fraudes25. Le soutien national aux producteurs en difficulté ne fait malheureusement pas partie des justifications possibles…

2.2/ Le cas particulier de l’agriculture biologique.

Après l’Autriche, l’Allemagne, la Suisse et l’Angleterre, l’agriculture biologique fait son apparition en France dans les années 1950. En 1985, un label Agriculture Biologique (AB) est créé pour distinguer les produits qui n’utilisent ni produits chimiques de synthèses ni OGM, tout en favorisant le respect de la biodiversité et la rotation des cultures. Au même moment, l’Europe commence à travailler sur une réglementation communautaire, qui voit le jour en 1991 pour les productions végétales, et en 1999 pour le secteur animal26. Depuis 2010, l’Eurofeuille est obligatoire sur tous les produits issus de l’agriculture biologique27, et le label français AB s’est aligné sur les mêmes exigences.

Ces produits doivent respecter la réglementation générale concernant l’indication d’origine de la viande, des fruits et légumes et des produits laitiers. Mais, pour « prévenir les pratiques susceptibles d’induire en erreur et éviter toute possibilité de confusion dans l’esprit des consommateurs » , ils doivent toujours afficher « Agriculture France », ou autre pays, quand au moins 98% des matières premières agricoles en proviennent. Il est aussi prévu une mention « Agriculture UE », « Agriculture non-UE » ou « Agriculture UE/non-UE », ce qui laisse finalement une importante part de mystère concernant la véritable origine des produits. D’autant que le nouveau règlement, qui s’appliquera à compter de 202129, ne modifie pas les règles applicables en la matière.

2.3/ La mise en valeur des particularités locales.

Il existe aussi en droit européen une mise en valeur des particularités agricoles et alimentaires locales, sur le modèle de ce que la France avait mis en place à partir du début du XXème siècle30. En 1936, naissent les premières appellations viticoles, qui encadrent, encore aujourd’hui, la commercialisation des vins de 289 sites protégés31. Le concept d’Appellations protégées repose sur la notion de « terroir ». Selon l’INAO32, chargé de leur contrôle, il s’agit d’un espace délimité dans lequel une communauté humaine construit au cours de son histoire un savoir-faire collectif de production. L’appellation d’origine protégée (AOP) est créée en 1992 sur le modèle de son équivalent français : l’appellation d’origine contrôlée (AOC)33. On trouve, par exemple, la noix du Périgord, la fourme d’Ambert, la pomme du Limousin, le beurre de Charente-Poitou, le miel de sapin des Vosges ou encore le Calvados. Elle garantit que toutes les étapes de production soient réalisées dans la même aire géographique, ce qui en fait un outil très efficace pour les consommateurs qui cherchent à soutenir les producteurs de leurs régions.

En revanche, l’indication géographique protégée (IGP) ne garantit pas un lien territorial aussi fort ; elle implique seulement qu’au moins une étape parmi la production, la transformation ou l’élaboration du produit a lieu dans l’aire géographique déterminée. Liée à un savoir-faire local, elle peut être basée sur la réputation d’un produit, attribuable à l’origine géographique34.

Seuls les troupeaux d’agneaux qui paissent sur les marais salés entourant le Mont-Saint-Michel peuvent bénéficier de l’appellation Prés-Salés du Mont-Saint-Michel.

 

Enfin, la spécialité traditionnelle garantie (STG), qui concerne uniquement en France les moules de Bouchot et le berthoud de Savoie, protège la composition ou le mode de production traditionnel, sans nécessairement avoir un lien avec l’origine géographique 35.

Les trois sigles européens mettant en valeur les particularités locales ; l’AOP, la STG et l’IGP (de gauche à droite).

3/ L’étiquetage obligatoire des produits industriels et artisanaux ; une aide pour les producteurs et un service rendu aux consommateurs.

D’immenses progrès ont été faits pour améliorer l’information des consommateurs sur l’origine des produits agricoles et alimentaires. Il faut saluer le travail remarquable mené par les parlementaires, et tous ceux qui ont su les alerter sur cette problématique, au cours des dernières années. Mais il reste un grand chantier, qui ne pourra être mené sans faire évoluer, voir remettre en cause, le droit européen : il s’agit de l’indication d’origine des produits industriels et artisanaux, grands oubliés des mesures de protection.

La crise sanitaire de la COVID19 a rappelé, avec cruauté, combien il était nécessaire de disposer d’une industrie solide, capable de produire des masques rapidement et en quantité. L’industrie française souffre : en quelques dizaines d’années, sa part de valeur ajoutée dans l’économie française est passée de 21% à 13% 36, et la chute la plus spectaculaire concerne l’emploi salarié, divisé par deux37.

3.1/ Un étiquetage facultatif, à l’initiative du vendeur.

L’industrie et l’artisanat n’étant pas concernés par les règles dérogatoires applicables aux produits agricoles et alimentaires, les Etats européens ne peuvent pas imposer de mention d’origine ; cela constituerait une restriction quantitative aux échanges, incompatible avec l’article 30 du Traité de Rome38.  Dès lors, la question de l’origine s’appréhende sous deux aspects. D’une part, elle est une procédure obligatoire et systématique, sous le contrôle des douanes françaises. D’autre part, elle peut résulter d’une volonté commerciale des professionnels, pour mettre en avant leurs produits.

En fait, l’étiquette « Made in France » concerne deux situations. Soit le produit est français parce qu’il est fabriqué à 100% en France (matières premières ou ingrédients et usinage), ce qui est rare mais pas impossible. Soit il a connu une « transformation substantielle en France », c’est-à-dire une étape de fabrication importante, économiquement justifiée, aboutissant à la création d’un produit nouveau39. Concrètement, une entreprise qui achèterait tous ses composants à l’autre bout du monde pour les assembler en France pourrait afficher une étiquette « Made in France ». Ainsi, un sac en coton estampillé français pourrait être fabriqué à paris de tissu d’Inde et de fils originaires de Roumanie40. D’une manière générale, la DGCCRF vérifie au cas par cas que la mention n’est pas susceptible de tromper ou d’induire en erreur le consommateur41.

C’est dans ce contexte qu’une certification privée reconnue par le Ministère de l’Economie a été créée en 2011 par l’ancien député Yves JEGO : le label « Origine France Garantie ». Il assure que « le lieu où le produit prend ses caractéristiques essentielles est situé en France » et que « 50% au moins du prix de revient unitaire est acquis en France ». Il existe aussi le label France Terre Textile, créé par les professionnels du secteur, qui se battent pour pérenniser les emplois et continuer à produire localement. Apposé sur un vêtement, il informe qu’au minimum 75% des étapes de fabrication sont françaises.

Certains secteurs encore plus spécifiques ont créé des marques de droit privé pour mettre en avant le savoir-faire français. C’est le cas de la « Dentelle de Calais-Caudry », pour se distinguer des dentelles tricotées, beaucoup plus répandues. C’est aussi le cas du poinçon de la « Joaillerie de France », qui garantit que les produits sont fabriqués, montés, sertis et polis en France. C’est enfin le cas d’« Esprit de Thiers », pour les couteaux d’Auvergne.

Plusieurs marques collectives régionales concernent exclusivement le domaine agricole et alimentaire, comme « Saveurs en Or (Hauts-de-France) » ou « Produit en Ile-de-France ». Mais d’autres se sont étendues aux produits industriels et artisanaux. C’est le cas, par exemple, du fameux « Produit en Bretagne », créé en 1995 à l’initiative d’un groupe de chefs d’entreprises nord-finistériens, du « Fabriqué à Paris », sous forme de prix de la commune pour mettre en avant certain artisans, ou du « Nou la fé » à la Réunion.

Il faut, bien sûr, saluer ces initiatives, mais il est impossible de s’en contenter puisqu’elles ne concernent qu’une partie des produits, et que l’adhésion – dû au mode de contrôle par organisme indépendant – représente un poids financier conséquent pour les entreprises, déjà difficilement compétitives face à la concurrence étrangère. Les labels privés, sous toutes leurs formes, pallient donc à l’absence d’indication publique d’origine des produits mais ne s’y substituent pas. Par ailleurs, il faut préciser que les trois premiers chiffres du code barre EAN situé sur les étiquettes sont bien un code pays (pour la France : 300-379). Mais, l’erreur est courante, ils ne signifient pas que le produit a été fabriqué dans ce pays. L’entreprise peut tout à fait y avoir implanté seulement un siège social.

3.2/ Un embryon de protection à approfondir.

Outre les labels privés, qui sont une indication précieuse pour les consommateurs, il existe aujourd’hui un embryon de reconnaissance publique pour les produits industriels et surtout artisanaux, à travers le label d’Etat « Entreprise du Patrimoine Vivant » (EPV), mis en place en 200642. Créé sous l’égide des pouvoirs publics, décerné par le préfet de région, il valorise les entreprises qui détiennent « un patrimoine économique, composé en particulier d’un savoir-faire rare, renommé ou ancestral, reposant sur la maîtrise de techniques traditionnelles ou de haute technicité et circonscrit à un territoire ».

En pratique, même s’il ne garantit pas une production 100% française, le label EPV valorise le travail de nombreuses industries et artisans français. Une première proposition pourrait donc être d’affirmer le critère d’origine tout en s’appuyant sur le travail déjà accompli.

Le sigle du label EPV.

Par ailleurs, la loi HAMON de 2014 a créé les IGP industriels et artisanaux (IGPIA)43, pour protéger les appellations locales contre les marques, dans un contexte de bataille judiciaire du petit village aveyronnais LAGUIOLE contre un habitant du Val-de-Marne qui commercialisait des produits importés de Chine sous le même nom. Finalement, il aura fallu quasiment 10 ans, pour que la Cour d’Appel de Paris reconnaisse une « stratégie visant à priver la commune et ses administrés de l’usage du nom LAGUIOLE » 44.

Sous contrôle de l’INPI 45, l’IGPIA valorise des techniques de fabrication et/ou des traditions associées au lieu d’origine des produits. Encore une fois sur le sujet, la France est précurseur en Europe. Mais l’étude des faits amène à relativiser, car elle ne concerne, à ce jour, qu’une petite dizaine de produits ; la Porcelaine de Limoges, la Pierre de Bourgogne, le Granit de Bretagne, la Tapisserie d’Aubusson, la Charentaise de Charente-Périgord ou, dernièrement, le linge basque et la pierre d’Arudy46 … En 2016, la demande d’homologation « Savon de Marseille » avait fait couler beaucoup d’encre, suite à la réaction des savonneries nantaises. Certains, alors, avaient fait remarquer que limiter une appellation à une zone géographique n’a pas de sens quand le savoir-faire s’est exporté depuis longtemps ailleurs et que les matières premières n’en proviennent plus.

Créée en novembre 2020, l’IGPIA Absolue Pays de Grasse distingue les matières premières végétales qui ont fait de la région le berceau historique de la parfumerie française depuis le XVIIIème siècle.

3.3/ Le « Made in France » à l’honneur.

En 2018, un sondage IFOP révélait que 74% des français sont prêts à payer plus cher pour un produit fabriqué en France47. De fait, pour justifier un prix plus élevé, il n’est pas rare de trouver des produits artisanaux et industriels fabriqués à l’étranger qui portent la mention « Conçu en France », « Designé en France », « French touch », « artisanat français » ou « marque française » 48. Pour se développer durablement, la fabrication française a besoin d’une protection : celle de l’étiquetage obligatoire, qui la distingue des entreprises étrangères à bas-salaires et permet au consommateur de faire un choix éclairé en se rendant au supermarché. Il n’en reste pas moins que de nombreux acteurs économiques s’engagent, dès aujourd’hui, pour faire vivre les savoir-faire et la production française. Partout dans l’hexagone, la fabrication française est à l’honneur.

Il y a quelques semaines, après le confinement de printemps, un collectif de boutiques indépendantes dédiées au « Made in France » a vu le jour. Ensemble, 20 boutiques distribuent plus de 300 marques de fabricants français, comme Duralex, Andrée Jardin, Gobi, Vilac et tant d’autres… Chaque année, le Salon du MIF rassemble les acteurs engagés49 et la Gazette du Made in France assure une veille régulière sur le sujet.

Conclusion

Schizophrène. Voici le mot qui résume le mieux la situation de la politique française en matière d’indications d’origine. D’un côté, le principe de non-étiquetage des produits artisanaux et industriels n’est ouvertement remis en cause par aucun élu, car il suppose de critiquer un fondement originel néolibéral de l’Union européenne. De l’autre, chacun sait bien que la France ne peut vivre sans tissu économique local, sans emploi et sans vitalité des territoires. Alors, les lois et les décrets se succèdent pour trouver des subterfuges ; faire dire à la règle ce qu’elle ne dit pas, la tordre dans tous les sens pour privilégier – mais sans le dire – les français.

Il ne s’agit pas, évidemment, en guise de conclusion, de remettre en cause l’idée de fraternité européenne, mais il faut bien la distinguer de l’uniformité économique. Affirmer la nécessité d’un véritable étiquetage public des produits, ce n’est pas remettre en cause totalement le jeu du marché ou bien faire de l’Etat un arbitre tout-puissant, mais tout simplement donner au consommateur – qui exerce ses responsabilités en tant que citoyen – la possibilité de faire un choix éclairé.

Gabriel ARNAULT

Fondateur de la Gazette du Made in FranceTwitter : @gazette_made

sources :

[1] Selon la définition admise par l’administration, une « vente en circuit court » est une vente avec un seul intermédiaire.

[2] Décret n°86-985 du 21 août 1986.

[3] Traité de Rome, signé le 25 mars 1957.

[4] Article 3 du Traité sur le Fonctionnement de l’Union Européenne.

[5] Réponse du gouvernement publiée au JO du Sénat le 21.04.2005, p. 1155.

[6] Rapport au nom de la Commission des finances, L’incidence économique et fiscale des délocalisations hors du territoire national des activités industrielles et de service, 1993, p. 13 et 14.

[7] Fédération Nationale des Syndicats d’Exploitants Agricoles.

[8] En finir avec la mondialisation anonyme, p. 75.

[9] Le Parisien Week-end, 19 octobre 2012.

[10] Coopérative des Adhérents à la Mutuelle des Instituteurs de France, le 27 octobre 2016.

[11] Rapport au nom de la Commission des affaires économiques, Les signes d’identification de la qualité et de l’origine, enregistré à la Présidence de l’Assemblée Nationale le 21 janvier 2015.

[12] Loi n°60-808 du 5 août 1960, ancêtres du « Label Rouge ».

[13] Le député Olivier DAMAISIN a été chargé en mars 2020 d’une enquête sur le sujet.

[14] Règlement européen n°1760/2000 du 17 juillet 2000.

[15] Décret n°2002-1465 du 17 décembre 2002.

[16] Règlement européen n°1337/2013 du 13 décembre 2013.

[17] Loi n°2020-699 du 10 juin 2020.

[18] Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes.

[19] Règlement européen n°543/2011 du 7 juin 2011.

[20] Règlement européen n°1379/2013 du 11 décembre 2013.

[21] Règlement européen n°1169/2011 du 25 octobre 2011.

[22] Décret n°2016-1137 du 19 août 2016.

[23] Décret n°2018-1239 du 24 décembre 2018, jusqu’au 31 mars 2020.

Puis Décret n°2020-363 du 27 mars 2020, jusqu’au 31 décembre 2021.

[24] Règlement européen n°1169/2011 du 25 octobre 2011.

[25] Arrêt du 1er octobre 2020, affaire n°C-485/18.

[26] Règlements n°2092/91 du 24 juin 1991 et n°1804/99 du 19 juillet 1999.

[27] Règlement n°834/2007 du 28 juin 2007.

[28] idem, par. 27.

[29] Règlement 2018/848 du 30 mai 2018.

[30] Loi du 1er août 1905, sur les fraudes et falsifications en matière de produits ou de services.

[31] Chiffres publiés par l’INAO le 19 mars 2018.

[32] Institut National de l’Origine et de la Qualité.

[33] Règlement européen n°1151/2012 du 21 novembre 2012, pour l’agroalimentaire. Règlement européen n°1308/2013 du 17 décembre 2013, pour la viticulture.

[34] Idem.
[35] Idem.

[36] INSEE, Les entreprises en France, 2019.

[37] Rapport du sénateur Louis GALLOIS au Premier Ministre Jean-Marc AYRAULT, Pacte pour la compétitivité de l’industrie française, 2012.

[38] Cour de Justice de l’Union européenne, 25 avril 1985 – Commission des Communautés européennes contre Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, af. 207/83.

[39] Règlement européen n°952/2013 du 9 octobre 2013 (art. 60).

[40] Guide de la DGCCRF – Le Made in France : nouveau critère d‘achat privilégié des Français, publié le 2 novembre 2020.

[41] En application des articles L121-1 et suivants du code de la consommation.

[42] Loi 2005-882 du 2 août 2005. Puis décret n°2006-595 du 23 mai 2006, modifié par décret n°2020-67 du 30 janvier 2020.

[43] Loi n°2014-344 du 17 mars 2014.

[44] Cour d’appel de Paris, Pôle n°5 – Chambre 1, 5 mars 2019, n°17/04510.

[45] Institut National de la Propriété Intellectuelle.

[46] à compter du 13 novembre 2020.

[47] Sondage IFOP – Les français et les Made in France, publié le 14 septembre 2018.

[48] Même si, comme exposé précédemment, la DGCCRF est compétente pour effectuer des contrôles chez les commerçants et sur les sites internet afin de sanctionner toute allégation trompeuse ou information mensongère.

[49] L’édition de novembre 2020 a été repoussée à l’année prochaine en raison de la crise sanitaire.

 

 

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