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Introduction

En France, défendre la transition environnementale ou écologique est devenu, depuis peu, une évidence. Pour autant, derrière cet unanimisme apparent, se dissimule des visions opposées de « l’écologie ». Passée à la moulinette du libéralisme, l’écologie de marché fait confiance à la finance verte pour résoudre la transition environnementale. Attachée à une conception malthusienne de la société, l’écologie de la décroissance fait face au défi de l’appropriation de ses idées par les pouvoirs publics. Ces deux courants ont une appréhension restrictive ou trop peu opérationnelle de la notion de risque climatique et environnemental. Or, comme la question sociale à la fin du XIXème siècle, la question climatique représente un risque général que la société doit prendre à sa charge, collectivement. A côté de l’État-social, il nous faut désormais construire l’État-climat.

La puissance publique, institution réductrice des incertitudes de la vie des individus en société, ne peut faire l’économie d’une réflexion sur les moyens les plus pertinents pour socialiser les dépenses afférentes à la lutte contre le risque climatique. Dans cette perspective, la réduction des émissions de gaz à effet de serre et l’adaptation aux dérèglements écologiques sont les conditions essentielles d’une transition réussie, pilotée et stimulée par l’État, vers une économie moins carbonée et plus juste. La transition environnementale se présente comme le changement de nos modes de production et de consommation impliquant le découplage de la croissance économique à la consommation d’énergies fossiles.

La prise de conscience de la nécessité de l’action est désormais mondiale, comme en témoigne le succès diplomatique de l’Accord de Paris de 2015. De même, le gouvernement français décline, depuis des années, des stratégies nationales de transition écologique et des programmations pluriannuelles de l’énergie1 qui visent à réaliser des objectifs ambitieux, en lien avec ceux de l’Union Européenne2. En effet, le nouvel objectif fixé par le Plan Climat de juillet 2017 est la neutralité carbone à l’horizon 2050. Les politiques menées ont d’ailleurs eu pour effet de faire baisser nos émissions de gaz à effet de serre tant en France, qu’au sein de l’Union Européenne3.

A la lecture de l’ensemble des contributions et des travaux qui essaient de proposer des solutions et des perspectives pour faire face à ce défi, deux choses nous ont frappées. D’une part, généralement les constats sont établis et bien documentés. D’autre part, chaque organisation ou collectif creuse sa spécialité d’analyse. Il en résulte pourtant un étrange sentiment qu’une stratégie gouvernementale orientée vers la transition peine à émerger de ces contributions. Cela est d’autant plus préoccupant que les experts du GIEC ne cessent d’alerter sur le retard pris par tous les pays. Si les objectifs ambitieux sont maintenant ancrés dans le discours politique, la réalisation concrète demeure lente et en deçà des enjeux. L’enthousiasme généré par la récente Convention Citoyenne pour le Climat ne dément pas ce point de vue, au contraire ; la longue liste des propositions – qui vont dans le bon sens – délaisse quelque peu la question des moyens et des méthodes de la transition qu’il nous faut réaliser. Ainsi, plus que jamais, le déploiement d’instruments ambitieux, efficaces et justes tant dans la définition des cibles à atteindre que des modalités concrètes d’intervention est essentiel et urgent.

Cette note s’inscrit dans la réflexion sur les outils à utiliser pour financer la transition écologique et sur les investissements prioritaires à effectuer4. Nous revenons en premier lieu sur l’intérêt de calculer les efforts à réaliser à l’aune des concepts nouveaux de budget carbone et de dette environnementale (I). La note propose ensuite une solution nouvelle pour le financement pérenne des investissements collectifs nécessaires à la réussite de la transition vers une économie peu carbonée et plus juste (II). Enfin, elle détaille les grands axes d’investissements nécessaires qui permettront de faire baisser significativement nos émissions de gaz à effet de serre (III).

Sommaire

1. L’effort d’investissement pour réussir la transition environnementale doit être réalisé au regard des concepts innovants que constituent le budget carbone et la dette climatique et s’inscrire dans une vision critique de la croissance économique traditionnelle.

1.1 – La dette climatique de la France s’établirait autour de 40% de son PIB, soit un montant de plus de 900 Mds EUR.

1.2 – Plus structurellement, impulser un grand plan d’investissement doit se lire dans une approche écologique de l’économie : le keynésianisme vert est nécessaire mais doit être articulée avec une vision des défis structurels que la croissance pose à la soutenabilité écologique et climatique.

2. Financer un grand plan d’investissement de 1 000 Mds d’euros à l’horizon 2030 dont la dette sera reprise par une caisse d’amortissement dédiée, afin de réaliser la transition environnementale : la Caisse d’Amortissement de la Dette Climatique (CADEC)

2.1 – La Caisse d’Amortissement de la Dette Climatique vise à sécuriser le financement et le fléchage des investissement nécessaires à une transition systémique et irrémédiable de notre économie pour atteindre la neutralité carbone avant l’épuisement de notre budget carbone.

2.2 – Les autres outils de financement de cet effort d’investissement sont intéressants théoriquement mais se heurtent à de nombreuses contraintes politiques ou opérationnels qui amoindrissent leur pertinence dans un double contexte d’urgence climatique et d’exigence démocratique renouvelée

2.3 – Pilotage fiscal et gouvernance institutionnelle de la CADEC : les investissements climatiques ont besoin d’une caisse d’amortissement.

2.4 – Un financement fléché permettant un amortissement total de cette dette climatique à horizon 2060.

2.5 – La CADEC sera social-écologique dans son financement : elle miserait sur des recettes nouvelles notamment le 1% écologique, tout en étant compensée pour les travailleurs par un basculement des allégements de cotisations employeurs inefficientes vers les cotisations employées.

2.6 – Le pilotage institutionnel

3. La CADEC, accélérateur des investissements essentiels pour la transition écologique

3.1 – Le transport routier : développer les mobilités actives et l’usage de la voiture électrique, investir dans les infrastructures ferroviaires

3.2 – Secteur résidentiel et tertiaire : décarboner le mix chaleur et accélérer la rénovation thermique de tous les bâtiments

3.3 – L’agriculture : faire évoluer les pratiques agricoles et adopter de nouveaux comportements alimentaires

3.4 – L’industrie manufacturière et la construction : améliorer les processus industriels et agir en faveur de l’économie circulaire

3.5 – Mix électrique : poursuivre le développement des centrales solaires et éoliennes en reconstruisant des filières industrielles nationales

3.6 – Passer de l’aménagement au ménagement du territoire

7. – Récapitulatif des financements apportés par la CADEC

Synthèse

 La réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) et l’adaptation aux dérèglements écologiques sont les conditions essentielles d’une transition réussie, pilotée et stimulée par l’État, vers une économie moins carbonée et plus juste. La transition environnementale se présente comme le changement de nos modes de production et de consommation impliquant le découplage de la croissance économique à la consommation d’énergies fossiles. Face à l’urgence de la situation, le déploiement d’instruments ambitieux, efficaces et justes tant dans la définition des cibles à atteindre que des modalités concrètes d’intervention est essentiel et urgent. Cette note s’inscrit dans la réflexion sur les outils à utiliser pour financer la transition écologique et sur les investissements prioritaires à effectuer.

 

 1. L’effort d’investissement pour réussir la transition environnementale doit être réalisé au regard des concepts innovants que constituent le budget carbone et la dette climatique et s’inscrire dans une vision critique de la croissance économique traditionnelle.

 

L’objectif fixé de ne pas dépasser de plus de 2°C la température moyenne pré-période industrielle peut être associé à une quantité de carbone émis qu’il ne faut pas dépasser. Pour un scénario de réduction des émissions de GES donné, un budget carbone complémentaire de ce budget carbone initial, qu’il sera nécessaire de ne pas consommer du tout afin de parvenir à l’objectif de réduction des émissions de GES est défini. Pour cela, les politiques publiques devront mettre en place les mesures nécessaires à la réalisation de cet objectif de réduction des émissions de GES. Ce budget carbone complémentaire est appelé la dette climatique : il s’agit de la somme actualisée des montants (= le coût d’abattement) que notre société devra investir pour ne pas dépasser son budget carbone et atteindre son objectif de réduction des émissions de CO2. En France, l’OFCE estime que la dette climatique s’élève à 922Mds d’euros (37% du PIB).

 

 2. Financer un grand plan d’investissement de 1 000 Mds d’euros à l’horizon 2030 dont la dette sera reprise par une caisse d’amortissement dédiée, afin de réaliser la transition environnementale : la Caisse d’Amortissement de la Dette Climatique (CADEC)

 

Pour rembourser cette dette, Hémisphère gauche fait la proposition d’une caisse d’amortissement de la dette climatique. Celle-ci se verra attribuer une dette de 1 000 Mds€. D’un côté, la structure émet de la dette pour financer des investissements avec un montant cible de 1 000 Mds€. De l’autre, elle reçoit une taxe affectée qui lui permet de rembourser les tombées de dette et donc d’investir davantage. Nous pensons que pour être crédible auprès des citoyens comme d’ailleurs des marchés financiers, cette dette ne doit pas faire l’objet d’une captation pour financer les dépenses courantes. Il faut contingenter cette dette ponctuelle, liée à la transition environnementale réalisée entre 2020 et 2030 ; il s’agit de la Caisse d’Amortissement de la Dette Climatique (CADEC). L’utilisation d’un fonds de défaisance ayant déjà fait ses preuves (cf. CADES), la CADEC sera crédible et permettra de profiter du contexte des taux faibles.

Selon les projections de Hémisphère gauche, il est possible de financer un total de 100 Mds€ d’investissements verts annuels pendant 10 ans pour arriver à un total de 1 000 Mds€ de financements verts qui permettraient de solder notre dette climatique en 2030. Cet investissement de 100 Mds€ par an serait financé en partie par l’impôt (25 Mds€ par an) et par l’endettement pour le reste. Le scénario prévoit une augmentation de la fiscalité affectée à la CADEC de 25 Md€ stable jusqu’à la fin de l’amortissement des investissements en 2060. La CADEC sera social-écologique dans son financement : elle miserait sur des recettes nouvelles notamment le 1% écologique (cotisation pour la dette climatique de 1% en moyenne sur l’ensemble des revenus), tout en étant compensée pour les travailleurs par un basculement des allégements de cotisations employeurs inefficientes vers les cotisations employées. Finalement, la baisse des cotisations employés sera au total supérieur aux prélèvements nouveaux pour la grande majorité des ménages.

Une véritable stratégie doit être associée à ces investissements et coordonnée par une nouvelle unité administrative ; c’est France Transition qui sera le commissariat général à la planification et la transition regroupant dans son comité stratégique le commissariat à l’investissement, la caisse des dépôts, la banque publique d’investissement, France stratégie et l’Agence Nationale de la Cohésion des territoires, l’ADEME et l’Agence des Participations de l’État. L’État pompier – productiviste – retardataire laissera sa place à l’État créateur de nouveaux communs et des savoirs faires de la transition.

 

 3. La CADEC, accélérateur des investissements essentiels pour la transition écologique

 

Les objectifs des Accords de Paris ou encore la Stratégie Nationale Bas Carbone (SNBC) ne sont pas respectés. Il est désormais urgent que la puissance publique ait une vision claire des actions d’envergure qu’elle doit mener pour relever le défi climatique.  La création de cette caisse visera donc à financer plusieurs actions prioritaires pour donner à la transition environnementale une portée opérationnelle plus franche et à son exécution un caractère tangible plus affirmée.

Des investissements sont nécessaire pour décarboner le secteur routier en développant les itinéraires cyclables (10Mds€) et les aides pour l’achat et l’entretien des vélos (1Mds€), en abondant le fonds d’aménagement des mobilités collectives (10Mds€), en renouvelant le parc automobile public (10Mds€), en augmentant les aides à l’achat de véhicules électriques (30Mds€), en renforçant le programme Advenir (1Mds€), en investissant massivement dans les infrastructures ferroviaires et le matériel roulant (250Mds€) ainsi que dans le transport fluvial et les plateforme multimodal (75Mds€).

La décarbonation du mix chaleur et l’accélération de la rénovation thermique de tous les bâtiments fera également l’objet d’investissements massifs : montée en puissance du dispositif MaPrimRenov (10Mds€), rénovation thermique des bâtiments publics et formation des acteurs de ce secteur (70Mds€), mise en place de la Prime Pour le Climat (170Mds€) afin d’accélérer la rénovation thermique du parc de logements privés, montée en puissance des Certificats d’Économie d’Énergie (2Mds€) et soutien aux nouvelles formes de production d’énergie (3Mds€).

75 milliards d’euros permettront de  faire évoluer les pratiques agricoles (renforcement significatif du rôle et des moyens de Chambres d’agriculture, promotion de comportements vertueux, investissement dans des infrastructures permettant de réduire les émissions de GES du secteur) et 7 milliards d’euros favoriseront l’adoption de nouveaux comportements alimentaires (consultations chez les nutritionnistes gratuites, interventions dans les établissements scolaires, repas végétariens dans les écoles).

Le secteur de l’industrie devra également faire l’objet d’investissements afin d’améliorer les processus industriels (80Mds€), de gérer le carbone résiduel (55Mds€) et d’accompagner la transformation du secteur par la demande (20Mds€).

La production d’électricité, déjà peu carbonée, fera l’objet d’investissements à hauteur de 28 Mds d’euros notamment afin de développer des filières industrielles nationales grâce à des financements publics pour la R&D (5Mds) et des aides publiques coordonnées au niveau européen (3Mds).

L’aménagement du territoire a un effet direct et indirect sur les émissions de gaz à effet de serre. Direct par son impact sur le stockage de carbone dans les sols et la production biosourcée (valorisation des ressources bois, biomasse…) et indirect par les typologies d’habitat, les modalités de déplacement et la vulnérabilité au changement climatique. En garantissant l’accompagnement des mesures de transition énergétique, l’aménagement durable du territoire contribue à garantir leur équité. 50 Mds d’euros permettront de lutter contre l’artificialisation des sols et de développer les puits carbones. La poursuite du Nouveau programme national de renouvellement urbain (10Mds€) des opérations de sauvegarde économique et redynamisation de 650 centres villes (25Mds€) et la mise en place de zones de redynamisation urbaine (5Mds€) sont également des leviers actionnés par la CADEC.

Nous avons montré ici les leviers concrets que la puissance publique doit actionner pour entreprendre cette transition. Le financement de 100 milliards d’euros par an pendant 10 ans doit être utilisé à cette fin, de manière efficace. Néanmoins, nous nous sommes concentrés uniquement sur les investissements possibles et nous n’avons pas voulu reproduire une stratégie globale telle que la SNBC. La CADEC permet en fait d’accélérer la transition et de nous donner les moyens de respecter nos objectifs climatiques. De plus, la transition ne saurait consister en une unique réduction des émissions de GES. Il faut diminuer les autres pollutions et la surexploitation de notre planète.

 

Conclusion : Pour une caisse d’amortissement de la dette climatique de 1000 milliards d’euros

Face aux défis écologiques et climatiques que nous subissons, il est grand temps d’accélérer la transition environnementale. Contrairement à d’autres pistes de financement, la CADEC mise sur la solidarité nationale, la mobilisation d’un modèle qui a fait ses preuves (CADES) et sur une stratégie de financement volontariste et crédible de la transition de notre économie. En proposant la construction d’un l’Etat-Climat et en agissant fermement dans les secteurs clés pour la transition, nos engagements internationaux en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre.

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