Alors que les élections municipales des 15 et 22 mars promettent d’être particulièrement illisibles [1] et complexes à analyser, risquons-nous à quelques scénarios et pronostics pour tenter d’éclaircir le paysage politique et les potentielles conséquences de l’issue du scrutin municipal.

 

Bref panorama de la situation dans les principales métropoles

 

Paris

 

A Paris, Anne Hidalgo, la Maire sortante, est à la tête de “Paris en Commun”, coalition soutenue par le PS, Génération.s, le PCF et de nombreux membres étiquetés “société civile”. Les Verts – pourtant membres de l’exécutif municipal – se sont divisés entre ceux restés fidèles à la Maire (et de fait exclus d’EELV) et ceux faisant campagne pour EELV. Ainsi, Christophe Najdovski, adjoint en charge des transports, qui fut tête de liste EELV en 2014, donc candidat contre Anne Hidalgo au premier tour des dernières municipales ou encore Célia Blauel, adjointe en charge de la transition écologique et du climat ont décidé de se présenter sous les couleurs de Paris en Commun. Anne Sourys, adjointe en charge à la santé et Antoinette Guhl, en charge de l’ESS, sont quant à elles candidates EELV.

 

David Belliard, tête de liste EELV, affirme, dans la droite ligne de Yannick Jadot, que l’heure des Verts aux commandes de la plus grande ville de France est venue. Deuxième force politique dans la capitale aux élections européennes, forts de scores conséquents dans certains arrondissements parisiens, EELV maintient le flou quand à sa stratégie à l’issue du premier tour, convaincus de récupérer ainsi une partie du vote centriste. Persuadés d’arriver en tête malgré les sondages (ils sont crédités de 13-14% des voix quand Anne Hidalgo est estimée entre 23% et 25%), ils réclament une coalition climat, de LFI à Villani. Si Danielle Simonnet, tête de liste LFI, a clairement et rapidement refusé, le flou est maintenu quant à une alliance avec le dissident LREM, passé sous la barre des 10%.

 

Le binôme Danielle Simonnet – Vikash Dhorasoo mène campagne pour LFI, donné par les sondages autour de 5%. Si les membres de Génération.s et du PCF ont voté l’adhésion à Paris en Commun, le PRG a finalement fait alliance avec Cédric Villani en opérant un revirement stratégique singulier puisqu’il était au lancement de la campagne allié à Anne Hidalgo. La tête de liste PRG pour Anne Hidalgo dans le 8e arrondissement est ainsi devenue la tête de liste de Cédric Villani dans le 17e.

 

Au centre-droit, la situation demeure très incertaine car Cédric Villani, député LREM de l’Essonne a maintenu sa candidature face à Benjamin Griveaux, candidat investi par le parti présidentiel, lui valant son exclusion. Ce dernier, crédité de 16% des intentions de vote, a retiré sa candidature après qu’une vidéo de sa vie privée ait été dévoilée. La candidature d’Agnès Buzyn ne devrait pas contribuer à dénationaliser le débat, alors que les urnes pourraient également être l’occasion d’un vote de protestation à l’égard du gouvernement. Mais la réelle opposante à Anne Hidalgo est Rachida Dati, candidate Les Républicains, dont les intentions de vote – en progression – se situent autour de 25%, ce qui marquerait une forme de relatéralisation de l’élection parisienne.

 

Si Anne Hidalgo, en tête, est indéniablement favorite de ce scrutin, de nombreuses incertitudes demeurent, notamment sur les alliances du second tour, EELV refusant de lever les ambiguïtés à ce sujet.

 

Marseille

 

Après près de 25 ans de règne sans partage, Jean-Claude Gaudin, maire historique de Marseille, se retire. De quoi nourrir les espoirs d’un réel changement plus d’un an après le drame de la rue d’Aubagne, dans la ville la moins bien gérée de France financièrement et la plus polluée. A gauche, les propositions ont émergé autour de deux collectifs citoyens progressivement devenus concurrents : le Pacte démocratique, union d’associations, de collectifs et de citoyens et le Printemps Marseillais, autre union d’organisations politiques et d’associations. Le Printemps Marseillais a, depuis le renoncement du socialiste Benoît Payan à briguer cette investiture, pour tête de liste Michèle Rubirola, ancienne cadre locale d’EELV, depuis exclue du mouvement car EELV a refusé l’alliance commune avec d’autres organisations. Des divergences ayant émergé, le Pacte démocratique compte aujourd’hui des représentants sur la liste EELV menée par Sébastien Barles et créditée de 14%. Malgré les tentatives d’intervention de Jean-Luc Mélenchon, les Insoumis marseillais sont divisés sur plusieurs listes. Le Printemps Marseillais est parvenu à faire l’union d’une partie au moins de la gauche (parti socialiste, parti communiste, dissidents verts et d’une partie des Insoumis dont la suppléante même de Jean-Luc Mélenchon, Sophie Camard) et de la société civile. Crédités de 16% par les sondages, ils sont actuellement la troisième force de la ville, après Martine Vassal, héritière de Gaudin, créditée de 23% et Stéphane Ravier, maire FN des 13e et 14e arrondissements marseillais, à 22%. Samia Ghali, sénatrice des Bouches du Rhône ayant quitté le Parti Socialiste en 2018 est aussi candidate, soutenue par Ségolène Royal. Elle est donnée à 8% selon les sondages. Du côté de La République en Marche, c’est Yvon Berland, l’ancien président de l’Université Aix-Marseille qui est soutenu par le parti présidentiel après des mois d’hésitations entre plusieurs prétendants. Il était donné à 8% en janvier 2020.

Si la gauche (EELV, Printemps Marseillais) semble avoir une possibilité inédite d’obtenir des secteurs, c’est à la seule condition de réussir à s’unir, ce qui ne semble pas encore au programme.

 

L’inconnue du résultat est par ailleurs renforcée par la complexité du scrutin d’arrondissements qui rend les anticipations plus complexes.

 

Lyon

 

A Lyon, la situation est particulièrement illisible. Tout d’abord parce que se mêlent, cas unique en France, deux élections. Et l’on parle plus de l’élection à la tête de la métropole qui concentre les pouvoirs, qu’à la ville de Lyon. Cette première élection, par scrutin de liste et par circonscription à la proportionnelle, est inédite. Pour preuve de la focalisation du pouvoir et de la visibilité sur cet échelon, Gérard Collomb lui-même est candidat pour essayer de récupérer ce qu’il estimait être son dû, face à son dauphin, David Kimelfeld qui a refusé de lui redonner “sa” place lorsque le ministre de l’intérieur est revenu à Lyon, sentant que l’air commençait à tourner.

 

Face à Collomb, Kimelfeld donc, qui n’a pas – après de longues tergiversations de l’appareil national de LREM – reçu l’onction de la majorité présidentielle. Cela permet à ce dissident de prendre une certaine liberté de positions par rapport à la politique gouvernementale (en particulier en marquant son opposition à la réforme des retraites), en espérant jouer l’aile gauche de la macronie. Cette stratégie lui permet d’anticiper une alliance éventuelle avec la gauche au second tour, alors que Gérard Collomb pourrait, lui, bénéficier du soutien de la droite.

 

A gauche, les principaux prétendants à la métropole sont d’un côté le Vert Bruno Bernard, et le directeur de SciencesPo Lyon Renaud Payre tête de liste d’un collectif citoyen regroupant également le PS et le PC. EELV fait bande à part et est crédité de 20% des sondages.

Néanmoins, la difficile prévisibilité des résultats du scrutin en raison de l’élection métropolitaine (dont le résultat sera probablement corrélé à celui des élections dans chacune des circonscriptions) pourrait être différent de celui donné par les sondeurs. Chaque ville va compter, et le PS et le PC détiennent encore un certain nombre de villes dans la ceinture métropolitaine.

 

A Lyon même, les résultats ne sont pas plus aisés à prévoir. Si le candidat soutenu par Gérard Collomb est actuellement donné en tête dans les sondages, tout va dépendre du scrutin au niveau de chaque arrondissement. Gérard Collomb ne disposant pas de beaucoup de réserves de voix et les arrondissements étant eux-même fortement polarisés, il est envisageable que la ville (re)bascule à gauche.

 

Lille

 

Si l’on s’intéresse aux plus grandes villes de France, c’est à Lille que les résultats sont probablement les plus aisés à comprendre. Martine Aubry arrive pour l’instant largement en tête des sondages et la sociologie de la ville lui est plutôt favorable. Les Verts devraient néanmoins réaliser un score conséquent. Face à Aubry, la candidate LREM peine à exister et souffre d’un déficit de notoriété : il s’agit de l’ancienne directrice de cabinet de la maire, Violette Spillebout. A droite, c’est le maire de Marc-en-Barouel, commune limitrophe et bourgeoise, qui fait office de tête de liste. Ce dernier ne croit néanmoins pas qu’il sera en possibilité de l’emporter. Le principal enjeu de cette élection devrait donc être le niveau des Verts. En revanche, pour le mandat suivant, Martine Aubry va devoir anticiper très sérieusement sa succession puisqu’elle a annoncé qu’il s’agirait de son quatrième et dernier mandat.

 

Bordeaux

 

Ville bastion de la droite républicaine, Bordeaux devrait le rester. La liste conduite par Nicolas Florian pour LR, le Modem, AGIR et d’autres formations est largement en tête des sondages avec 40% d’intentions de vote. LREM et sa liste menée par Thomas Cazenave était censée être la seule à même de porter une autre candidature mais stagne aujourd’hui autour de 11%. Mais c’était sans compter sur la dynamique des Verts à Bordeaux comme partout ailleurs sur le territoire. La liste de Pierre Hurmic, soutenue par EELV, le PS, le PRG, Génération.s, Place Publique et le PCF est la surprise de l’hiver, maintenant créditée de 30%. Autre surprise, la liste de LFI et du NPA, menée par Philippe Poutou devance maintenant la liste LREM d‘un point dans les sondages, à 12%. Si la victoire de la droite semble acquise cette fois encore, la gauche écologiste et sociale est celle ayant fait la poussée la plus fulgurante, avec davantage de réserves de voix que la droite (même si la fusion de la liste Poutou, si elle se qualifie au second tour, avec la liste EELV est peu probable). C’est aussi une grande défaite pour LREM qui envisageait de créer la surprise dans la ville d’Alain Juppé et qui ne cesse pourtant de reculer. La venue d’Alain Juppé, pourtant président du Conseil constitutionnel, à l’inauguration du QG de campagne de Nicolas Florian n’a pas manqué de susciter des polémiques, mais contribué à montrer l’isolement du parti présidentiel qui doit regretter d’avoir investi précocément (dès juillet 2019) Thomas Cazenave alors que sa stratégie a connu une profonde inflexion sur les derniers mois, le parti préférant le soutien à des élus sortants (Toulouse, Caen,…) à l’investiture de candidats trop étiquetés LREM (plus de la moitié des candidats désignés au niveau national par LREM sont en fait “soutenus” et non “investis”).

 

Toulouse

 

A Toulouse, la gauche part en situation défavorable : le maire, Jean-Luc Moudenc, bénéficie d’une certaine popularité et du soutien conjoint de LREM et de la droite locale. La gauche est, elle, particulièrement divisée entre d’un côté le mouvement Archipel citoyen ayant réussit à regrouper un certain nombre de mouvements citoyens et politiques (LFI, EELV, des dissidents du PS notamment) et arriverait en secondes position avec 25% des estimations de vote, et de l’autre Nadia Pellefigue qui, créditée de 14%, mène une campagne dynamique avec le soutien du PS, du PC et du PRG. Sans compter l’ancien maire de Toulouse, Pierre Cohen, qui fait cavalier seul à la tête d’une liste Génération.s, et qui pourrait bénéficier de son capital notoriété, plus élevé que les autres en raison de son statut d’ancien maire. A Toulouse, peu de sondages, beaucoup d’espoirs…

La ville, si elle est un laboratoire des recompositions des relations partisanes à gauche et d’expérimentation d’une liste partisane/citoyenne, devrait néanmoins rester… à droite.

 

Montpellier

 

A Montpellier, le maire sortant, Philippe Saurel, n’a pas obtenu l’investiture En Marche. il se retrouve donc confronté à une candidature officielle du député Patrice Vignal, qui peine cependant à s’imposer. Sur sa gauche, le maire de Montpellier voit s’ériger un nombre important de listes, dont le potentiel rassemblement au second tour pourrait signifier un rebasculement. L’enjeu est donc de savoir qui des listes soutenues par les Verts, ou anciennement soutenues bénéficiera du vote écolos (avec l’étiquette RN, l’étiquette EELV est la seule à avoir un effet électoral véritablement supérieur à la notoriété du candidat). Ainsi Clothilde Ollier s’est vue retirer son investiture EELV en raison de sa proximité dénoncée par d’autres membres d’EELV avec LFI (elle a ensuite contesté devant le tribunal ce retrait d’investiture), dont les sympathisants sont eux-même éclatés sur plusieurs listes qui revendiquent le qualificatif de citoyen. Montpellier représente un cas exemplaire des difficiles tentatives d’arbitrage des partis nationaux, puisque à la fois pour LREM, pour les Verts et pour LFI les appareils partisans nationaux ont été contestés par leur base et notamment leurs députés (ainsi, la députée LREM Patricia Mirales a préféré quitter En Marche pour soutenir Saurel, la députée LFI Muriel Ressiguier a également contesté la stratégie “autonome” de LFI…).  Le centre est également fragmenté, puisque, outre le maire Philippe Saurel et Patrice Vignal, le chef d’entreprise Mohammed Altrad a décidé de se lancer dans la campagne en publiant notamment un livre distribué gratuitement à des milliers d’exemplaires. Altrad a néanmoins dû faire face au départ des Radicaux de gauche (scission du PRG) en raison du l’ambiguité du candidat avec LREM dénoncée par la leader des Radicaux de gauche ! Virginie Rozières, également élue locale à Montpellier. Le RN a également retiré l’investiture à son candidat, dont la liste était composée de personnages trop sulfureux.

Le PS avec Michael Delafosse, allié avec le PRG, pourrait peut-être arriver en tête de cette gauche fragmentée au soir du 1er tour. Les autres forces de gauche accepteront-elles cette alliance ? Quoi qu’il en soit, la fragmentation probable de la gauche en dépit d’un socle très important au soir du 1er tour rend l’issue du scrutin très incertaine.

 

Analyse des stratégies électorales et projections

 

  • LFI : l’art de se dissimuler pour ne pas trop perdre

 

La campagne de La France Insoumise pour l’élection présidentielle 2017 avait donné lieu à un discours présentant LFI comme la première force à gauche. Cependant, dans la continuité des élections européennes, le mouvement est en difficulté dans le cadre de ces élections municipales, même dans les secteurs dans lesquels les Insoumis ont fait leurs meilleurs scores et où ils ont obtenus des députés (Seine Saint Denis et Marseille). Est-ce lié à la difficulté pour un mouvement, sans réelle organisation locale, à s’implanter en l’absence de structure partidaire ? A Marseille par exemple, l’absence d’ancrage de Jean-Luc Mélenchon lui a valu d’être largement critiqué localement et les Insoumis partent en ordre dispersé dans la bataille des municipales. En Seine-Saint-Denis, des listes dissidentes d’anciens membres locaux de LFI voient le jour, preuve là encore d’un difficile maillage local en plus de différends stratégiques entre le local et le national.

Et visiblement, le mouvement de Jean-Luc Mélenchon ne sait plus trop comment s’en sortir et adopte une attitude similaire de celle de LREM : soutenir au cas par cas, localement, en espérant faire élire ponctuellement des conseillers municipaux (même s’il leur arrive de soutenir, comme à Bordeaux, des listes qui refuseront la fusion et qui pourraient potentiellement les empêcher de maximiser leur nombre d’élus). LFI a, dans de nombreuses villes fait le choix de l’union de la gauche ou d’une partie de la gauche au travers de listes dites citoyennes, alors qu’au niveau national la notion de “gauche” est souvent mise en cause. L’ambition n’est pas comme au PS et à LR de gagner des villes mais plutôt de gagner des élus locaux.

Amiens est probablement le cas le plus emblématique et le plus stratégique pour LFI, même s’il s’agit avant tout de la stratégie portée par François Ruffin qui, soutenant la liste d’union de l’ensemble de la gauche “Amiens c’est l’tien” (de LFI au PS avec EELV), pourrait éventuellement représenter un concurrent sérieux à la maire sortante, même si cette dernière semble pour l’instant plutôt favorite.

  • Le PS : tenir le choc pour tenter de se reconstruire

 

Si le premier enjeu pour le Parti socialiste est de conserver les villes qu’il détient actuellement, après en avoir perdu un nombre important aux élections municipales de 2014, cet objectif devrait, pour les plus grandes villes, être atteint dans celles qui n’ont pas depuis basculé LREM par changement d’étiquette du maire  (Lyon, Besançon, Alençon par exemple).

Aujourd’hui, le PS semble donc bien parti pour conserver les grandes villes où il a des maires sortants, et surtout sortantes, même si ces dernières ne mettent pas particulièrement l’étiquette socialiste en avant, préférant s’afficher comme étant à la tête d’un rassemblement de gauche et citoyen dès le premier tour.

Cette propension des maires sortant.es à afficher une dynamique de rassemblement citoyen a pour conséquences quelques frustrations chez les militants PS qui s’estiment mis de côté dans certaines villes.

Le PS pourrait également participer à la reconquête de villes perdues en 2014 sur la droite en s’alliant, dès le premier tour ou au second, avec EELV dans un certain nombre de villes.

 

Ces grandes villes qui sont actuellement dirigées par le Parti socialiste et qui devraient le rester :

  • Paris
  • Lille
  • Nantes
  • Rennes
  • Poitiers
  • Clermont-Ferrand (seule grande ville où EELV a accepté une alliance de premier tour)
  • Dijon
  • Le Mans (où une dissidence interne rend la situation particulièrement hasardeuse)
  • Villeurbanne (malgré les espoirs initiaux d’EELV)
  • Brest (même si EELV pourrait faire un score important)
  • Avignon (malgré les espoirs initiaux d’EELV)
  • Créteil
  • Rouen (la situation est néanmoins incertaine : EELV pourrait faire un score de premier tour supérieur à celui du candidat soutenu par le PS)

 

Ces villes que le PS pourrait potentiellement conquérir face à la droite, divisée ou non :

  • A Nancy, le président socialiste du conseil départemental, Mathieu Klein, est un sérieux concurrent pour le maire sortant, Laurent Hénard et pourrait l’emporter,
  • A Bourges l’union de la gauche s’est faite derrière l’ancien député PS Yann Galut
  • A Evreux, la gauche – sauf LFI – s’est rassemblée dès le premier tour
  • A La Roche sur Yon

 

Ces villes que le PS espère secrètement reconquérir ou aider à regagner :

  • A Alençon, le maire sortant, ex-PS passé à LREM, doit affronter celui qui était jusqu’en 2017 le maire PS de la ville. La victoire de l’ancien député-maire et actuellement député PS Joachim Pueyo est donc une hypothèse à envisager
  • A Limoges, le maire LR qui avait gagné en 2014 après l’usure de décennies de socialisme municipal, se représente. Si Limoges est potentiellement gagnable, au premier tour, la gauche sera divisée.
  • A Saint-Ouen, le candidat socialiste allié avec EELV pourrait l’emporter
  • A Saint-Denis, la candidature de Mathieu Hanotin présente un danger pour le Parti communiste qui doit également faire face à une liste soutenue par LFI
  • A Tours, le PS s’est allié avec EELV et pourrait contribuer à la victoire.

 

Ces villes dirigées par un socialiste qui pourraient rester à gauche sans que le maire ne soit issu du PS :

  • A Metz, le candidat soutenu par et la plupart des partis de gauche dont le PS (même si, comme dans un certain nombre d’autres villes, les candidats sont dispersés sur plusieurs listes) Xavier Bouvet pourrait, lui aussi l’emporter.
  • A Besançon où le PS a choisi de faire alliance dès le premier Tours avec EELV alors que le maire ex-PS a rejoint En Marche qui a investi le député LREM ex EELV.

 

  • Les verts : une dynamique électorale qui pourrait se heurter à l’échec des tentatives de dépassement du clivage gauche-droite

Les Verts se sont senti pousser des ailes en espérant convertir leur place de première force de gauche aux européennes (avec 13,1%, soit le double du score du PS ou de la France insoumise) en force politique locale. Pari audacieux mais difficilement réalisable en dehors des métropoles. Les verts espèrent surtout prendre le leadership symbolique en l’emportant dans de grandes villes. Néanmoins, les dernières semaines de la campagne semblent indiquer un tassement de la dynamique EELV.

Pour autant, si Yannick Jadot ambitionnait à l’été de l’emporter à Paris, Nantes ou Rennes, villes aujourd’hui dirigées par des socialistes qui se représentent, EELV a depuis revu ses ambitions à la baisse. Aucun maire PS sortant se représentant dans les métropoles ne devrait voir EELV l’emporter.

Les dirigeants du Parti, et en particulier Yannick Jadot et le candidat écologiste à Paris, David Belliard, ont adopté une stratégie du brouillage en laissant entendre qu’il serait possible pour les Verts de s’allier avec le centre droit. Ce refus de positionner l’écologie comme un sujet « de gauche », en se déclarant représentant d’une cause transversale et transcendant les clivages traditionnels, n’est pas sans rappeler le discours « attrape-tout » d’Emmanuel Macron ou de Jean-Luc Mélenchon lors de l’élection présidentielle. On reconnaît ici l’une des caractéristiques fondamentales de l’évolution du discours politique : les partis politiques, à l’exception de LR, du PS et du PCF trouvent un intérêt dans la dissimulation du clivage politique et dans la contestation des marqueurs traditionnels que sont la gauche et la droite. Même Julien Bayou, pourtant opposé à l’alliance avec le centre-droit à Paris, a récemment déclaré “l’écologie ne se résume pas à la gauche”.

Pour autant, une élection municipale n’est pas une élection présidentielle et l’enjeu n’est pas simplement d’arriver en tête d’un camp au premier tour pour espérer l’emporter en ayant automatiquement le ralliement de la gauche derrière soi au second tour. Les triangulaires, les quadrangulaires potentielles complexifient la lecture, et encore plus dans des villes où le scrutin se joue à l’échelle de l’arrondissement, à Paris, Lyon et Marseille où aujourd’hui personne n’est en mesure d’annoncer le résultat.

Les Verts ont néanmoins réussi à être tête de liste dans la plupart des listes citoyennes soutenues par les partis de gauche, montrant que l’écologie est l’un des ponts les plus solides entre forces de gauche.

 

Cette ville que les Verts espèrent conserver :

  • Grenoble : c’est la seule métropole de taille régionale que les Verts détiennent aujourd’hui (même si Eric Piolle n’est pas adhérent des Verts). Pour l’instant, le dernier sondage réalisé ne prenait pas en compte la candidature pour le PS d’Olivier Noblecourt mais début janvier, le maire sortant ne semblait pas menacé.

 

Ces villes où la stratégie des Verts est peu lisible :

–      A Paris, les Verts sont estimés entre 12 et 16%, quand la Maire de Paris attirerait les suffrages d’un peu moins d’un quart des électeurs. Si le choix d’alliance avec Anne Hidalgo est fait pour le second tour, cette dernière serait en mesure de l’emporter. En revanche, un projet d’alliance avec Villani et Buzyn, qui n’est pas exclu, pourrait menacer la victoire probable d’Anne Hidalgo. Il convient également de noter qu’une partie des adjoints EELV d’Anne Hidalgo, et en particulier Christophe Najdovski qui était tête de liste EELV donc candidat contre elle en 2014, sont aujourd’hui des soutiens de la maire sortante.

–      A Montpellier, les électeurs EELV sont répartis sur trois listes. L’une, qui avait le soutien d’EELV, a perdu son investiture (accusée d’être trop proche de la France insoumise) au profit d’une autre, et alors que cette liste était sondée autour de 15%. Les futurs sondages (et les résultats) seront l’occasion de déterminer si le changement d’étiquette se traduit par un déplacement consécutif de l’électorat.

–      A Marseille, EELV a fait le choix de faire cavalier seul mais a dû affronter une dissidence importante puisque Michèle Rubirola, la candidate de la liste citoyenne, soutenue par le PS et une partie des insoumis est une ancienne membre des verts.

 

Ces villes de droite où les Verts alliés avec le PS dès le premier tour pourraient l’emporter :

–      A Bordeaux, les verts ont fait alliance avec les socialistes et les communistes, et sont sondés depuis à des niveaux quasi équivalents à ceux du maire sortant. Néanmoins, en l’absence de réservoirs de voix importants, si LREM choisit de rallier le maire de droite également soutenu par le MODEM au second tour, cette possible victoire pourrait être menacée.

–      A Perpignan, les Verts sont également soutenus par le PS. L’enjeu sera de savoir la configuration du second tour. Actuellement, le Front national est en tête des sondages, mais le total des listes de gauches au second tour est supérieur au score du FN. L’attitude de LREM sera déterminante.

–     A Tours, le maire de droite sortant est particulièrement contesté alors qu’il a conquis le fauteuil de maire en milieu de mandat dans un contexte de division de la majorité de droite. La gauche est unie, avec une liste rassemblant EELV-PS-LFI-Ensemble!-Génération.s-Génération écologie- Nouvelle Donne-Place Publique, qui pourrait refaire basculer la ville. LREM peine à exister malgré un score élevé aux européennes.

 

Cette ville que les Verts avaient érigée en exemple et qui devrait voir un maire PS élu : Grande Synthe, où Damien Carème, l’ancien maire EELV, est devenu député européen.

 

Cette ville LREM où les Verts espèrent l’emporter

  • A Lyon, les Verts bénéficient de bons sondages et le candidat soutenu par Gérard Collomb (lui-même candidat à la tête de la métropole) est à un niveau inférieur au score de LREM. Néanmoins, la spécificité du jeu lyonnais avec un scrutin d’arrondissement pourrait complexifier la lecture du scrutin.

 

Ces villes LREM où les Verts alliés avec le PS dès le premier tour pourraient l’emporter

–      A Besançon, l’alliance avec le PS s’est également faite dès le premier tour et les sondages sont plutôt prometteurs, alors que le maire sortant ne se représente pas et que le parti présidentiel a investi le député Eric Alauzet qui pâtit actuellement de mauvais sondages.

 

Ces villes où l’union de la gauche et des listes écologistes au second tour pourrait permettre la bascule avec un maire écolo à la tête d’une majorité composite

–     A Montpellier, le total du score des listes écologistes et PS est bien plus important que celui du maire LREM sortant : une alliance au second tour serait à même de produire la bascule, mais la division des Verts rend incertain leur capacité à être en tête de la gauche.

 

Ces villes gouvernées par une majorité PS où les Verts constituent un challenger et espèrent (plus ou moins) secrètement raffler la mise :

–      A Rouen, les Verts sont sondés à des niveaux proches du candidat soutenu par le Parti socialiste : il s’agit de la seule grande métropole française où un maire PS sortant ne se représente pas. Si les socialistes ont été très mobilisés au moment de l’incendie Lubrizol, la catastrophe écologique a contribué à n’en pas douter à mettre les préoccupations écologiques au devant de l’agenda.

–      A Lille, les Verts bénéficient pour l’instant de bons sondages mais la réélection de la maire PS Martine Aubry n’est pas véritablement menacée, il en va de même à Rennes ou à Nantes.

–     A Avignon, la maire sortante PS est concurrencée par une liste rassemblant les Verts et les forces de gauche, ainsi que des socialistes dissidents, mais elle conserve une large avance dans les sondages.

–     A Villeurbanne, les Verts espèrent réaliser un bon score mais le candidat PS a réussi l’alliance du reste des forces de gauche derrière lui dans ce bastion socialiste.

3) Ces bastions PC, objets de convoitises à gauche

La stratégie du Parti Communiste, pour ces municipales, est encore plus “conservatrice” que celle du PS. Peu d’enjeux de reconquête pour le PC, sinon peut-être Bagnolet. En revanche, le PC devra faire face dans un certain nombre de ses bastions historiques qui restent encore des terres où l’électorat de gauche est majoritaire, à une concurrence à gauche qui est particulièrement fractionnée.

On pense tout d’abord à Saint Denis, où la France Insoumise d’un côté (sous le couvert d’une liste citoyenne) et le PS allié avec Génération-s d’autre part, avec Mathieu Hanotin, l’ancien député PS, menacent fortement la citadelle. Même si pour l’instant aucun sondage n’a été réalisé, Mathieu Hanotin, qui avait perdu de peu en 2014 la possibilité de l’emporter, est un challenger sérieux, d’autant que le maire sortant a choisi de ne pas se représenter. Les conditions d’une bascule, vers le PS notamment, sont donc réunies.

  • A Montreuil, la situation est plus “sous contrôle”, puisque le PC a réussi à obtenir le soutien du PS et de la France insoumise, même si EELV espère reconquérir cette ville qu’elle avait dirigée avec Dominique Voynet. Le match se fera donc à gauche mais l’équipe sortante part avec une petite longueur d’avance.
  • A Aubervilliers, la maire sortante PC a réussi à rallier une partie de La France insoumise qui était initialement pressentie pour être sur une liste concurrente, mais le PS (qui avait conquis la ville de 2008 à 2014) est lui divisé entre plusieurs listes. Ce fractionnement
  • A Bagnolet en revanche, la ville ayant été conquise en 2014 par les socialistes, le PC s’est allié à LFI (au prix de très fortes tensions et d’une division interne) en espérant reconquérir la commune.
  • On évoquera également ici le cas particulier de Nanterre, où le maire n’est plus au PC mais devrait être réélu avec le soutien du PC, et celui du PS notamment. Un ancien adjoint socialiste, écarté de la liste par le maire PC, a néanmoins choisi d’être candidat sur la liste LREM.
  • A Ivry-sur-Seine enfin, le maire sortant PC, candidat à sa réélection, fait face à une liste menée par LFI, EELV et le PS.

 

De manière générale, la “banlieue rouge” est une zone où la multiplication des listes à gauche rend les prédictions particulièrement ardues, outre Aubervilliers, on compte 5 listes de gauche à Villejuif, presque autant à Villeneuve-Saint-Georges… Quelques exceptions néanmoins, à Cachan par exemple, la maire PS sortante a réuni EELV, le PS, LFI, Généraion-s, le PC…

 

Il convient enfin de mentionner le cas du Havre où, si la gauche est fragmentée au premier tour, un second tour unissant le PC, EELV et le PS (les deux derniers partis étant alliés) pourrait représenter une concurrence sérieuse pour Edouard Philippe.

4) Ces grandes villes de droite où les espoirs pour la gauche sont mesurés

  • A Toulouse, le maire LR-LREM sortant Jean-Luc Moudenc jouit d’une popularité conséquente, et la gauche est fragmentée. Par conséquent, une victoire est peu probable.
  • A Saint-Etienne, EELV et PC/PC font également deux listes concurrentes. Il faut également compter sur la force du FN, quand le maire de droite sortant est crédité pour l’instant de 42% des intentions de vote au premier tour.
  • A Nice, Christian Estrosi semble faire la course en tête et la gauche est à des niveaux particulièrement faibles.
  • A Pau, François Bayrou jouit également d’une forte popularité et d’une absence de réelle concurrence sur sa droite. Malgré une union PS-PC, la gauche reste divisée et les espoirs de victoire sont modérés.
  • A Caen, le maire LR sortant est également soutenu par LREM et la gauche divisée sur deux listes. La présence d’une liste FN devrait néanmoins le contraindre à un second tour.

 

Plus que 10 jours à attendre et l’on verra dans quelle mesure ces pistes sont confirmées.

 

 


  1. On pourra ainsi se reporter sur l’interview de Rémi Lefebvre, Municipales : un scrutin qui s’annonce illisible – Libération, https://www.liberation.fr/debats/2020/01/20/municipales-un-scrutin-qui-s-annonce-illisible_1774155, (consulté le 11 février 2020).

 

3 réponses sur “A moins de 10 jours des municipales, état des lieux et pronostics pour les partis de gauche dans les grandes villes de France

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