Le socialisme est un internationalisme. Il progresse et reflue de manière synchrone. Nous nous en rappelons, aujourd’hui, avec la force de l’évidence au moment où, partout sur le continent, notre Weltanschauung (1) est marginalisée, dénigrée et battue dans les urnes. Pour inverser le sens de l’histoire, il est nécessaire de retrouver un élan socialiste, social-démocrate et travailliste en Europe comparable à celui qui permit les avancées sociales obtenues depuis la fin du XIXe siècle. La tâche est longue et incertaine. Elle nécessite un travail doctrinal paneuropéen et un projet politique d’alternance partagé entre les différents partis frères.

Une telle ambition doit surmonter bien des réticences et vaincre les mauvaises habitudes héritées d’une logique de caserne où prévaut le «chacun chez soi». Elle est pourtant la condition sine qua non pour que la gauche puisse libérer l’Europe de l’emprise que le conservatisme libéral a acquise sur les consciences et accéder aux responsabilités sans décevoir, à nouveau, les attentes placées en elle.

Ce rebond politique est inenvisageable sans le Parti social-démocrate allemand (SPD). Or, ses 450 000 militants sont, cette semaine, placés devant un choix qui engage l’avenir de toute la gauche européenne. Alors que l’extrême droite allemande (AfD) vient de dépasser le SPD dans un récent sondage, ses militants votent pour décider s’ils acceptent le contrat de coalition que leurs dirigeants ont signé avec les conservateurs du parti d’Angela Merkel (CDU-CSU) le 7 février.

Dans une pétition européenne lancée lundi (2), en quatre langues, nous nous adressons directement à eux pour leur dire que la grande coalition ne doit pas être reconduite, qu’il s’agit du baiser de la mort pour la social-démocratie allemande, et que nous avons besoin du plus grand parti de gauche d’Europe pour construire un projet alternatif. Kevin Kühnert, le chef des jeunes sociaux-démocrates allemands, a d’ailleurs compris le danger et mène, avec panache, une campagne active au sein de son parti contre la grande coalition (#NoGroKo).

Nous voulons dire aussi aux militants du SPD que les alliances de circonstance de la gauche avec la droite et les confusions idéologiques n’ont abouti partout en Europe qu’à des défaites électorales, politiques et culturelles. Nous savons d’expérience que la gauche peut mourir par la modestie de son ambition transformatrice et qu’à trop emprunter les mots et les chemins convenus de l’autre camp, on tue l’espoir et on bride ses capacités d’imagination. Les résultats des élections fédérales allemandes de 2017 ont, en ce sens, confirmé ce qui avait déjà été observé ailleurs en Europe, en France particulièrement.

Certains esprits chagrins voudront voir dans cette initiative une forme d’ingérence. Nous le récusons fermement. Concevoir l’Europe comme cela, c’est vivre dans un siècle qui n’est plus le nôtre. Sur un continent où nous partageons une monnaie, des frontières extérieures et une civilisation, chaque Européen est fondé à dire que rien de ce qui est allemand ne lui est étranger. Aussi vrai que pendant la crise grecque l’opinion publique européenne vivait à l’heure d’Athènes, nous sommes aujourd’hui suspendus au choix des militants du SPD.

Nous leur disons de ne pas avoir peur de nouvelles élections. Si les sondages sont aujourd’hui catastrophiques pour le SPD, c’est justement parce qu’il a fait le choix de la grande coalition en dépit des engagements de ses dirigeants pendant la campagne de 2017. En la refusant finalement, les militants du SPD réaffirmeront l’identité et les valeurs de leur mouvement et pourront confier à une nouvelle génération de cadres le soin de les conduire vers la victoire.

Nous souhaitons que la gauche renaisse en Allemagne et en Europe, non pas en se mettant au service d’un programme politique qui n’est pas le nôtre et qui a échoué partout, non plus en abolissant artificiellement les clivages comme ce fut le cas en France, mais en renouant avec un projet politique de justice sociale et de progrès.

Nous sommes convaincus que ce n’est que unis, après un long travail collectif, que nous pourrons porter demain un nouvel espoir capable de vaincre les passions tristes qui hantent l’Europe.

(1) «Vision du monde» en allemand.
(2) En ligne sur Change.org.

Premiers signataires de la pétition #NoGroKo :
Corinne Abraham
(Parti socialiste de Belgique),
Mohammed Ahmed (Labour, Royaume-Uni), Guillermo Arenas (Espagne, France), Miguel Arlandis Corell (Parti des socialistes de Catalogne, Espagne),
Daría García Artacho (Parti des socialistes de Catalogne, Espagne), Mehdi Benlahcen (Portugal, France), Olivier Bracque (Parti social-démocrate d’Andorre), Lluís Fuentes Alba (Parti des socialistes de Catalogne, Espagne),
Emmanuel Grégoire
(Premier fédéral de Paris, France),
Guillaume Mathelier (Premier fédéral de Haute-savoie, France)
Frédéric Orain (Premier fédéral du Loir-et-cher, France),
Evaristo Vilagines
 (Parti social-démocrate d’Andorre), Carmelo Sutera (Parti socialiste de Belgique).

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